mercredi 1 septembre 2010

607. ELBOW : The Seldom Seen Kid

* * * * *
geffen - 2008
4ème album sur 4
produit par Elbow et Craig Potter
angleterre (Manchester)

Il y a quatre ans, la décision de créer A Tombouctou Sans Mariachis fut motivée par le besoin pressant de ne pas laisser mourir sur mes étagères tous ces compact-discs que j'avais patiemment entassés, par amour de la musique et de l'objet, certains acquis après de longues et méritantes fouilles chez les disquaires.
Il y a quatre ans, c'est à peu près l'époque où j'ai cessé d'acheter des disques. Comme tout le monde j'ai pris l'habitude de télécharger et perdu celle d'écouter de la musique à partir d'un support physique. Ce fut une révolution dont je ne suis pas sûre qu'elle ait été totalement bénéfique sinon pour mon porte-monnaie. A Tombouctou Sans Mariachis, c'était un geste de tendresse envers une collection abandonnée à son triste sort, envers des albums et des artistes dont je m'étais involontairement détourné. Tous ces disques je les avais aimé hier, pas de raison que je ne puisse les aimer encore aujourd'hui.
En quatre ans, j'ai même appris à confondre dans ma discothèque les fichiers dématérialisés et les cds, à ne plus distinguer les uns des autres. Un fichier que je possède sur mon ordinateur, je le considère aujourd'hui comme un album que j'ai acquis. C'est à dire que j'ai choisi de posséder, même si je n'ai pas eu à effectuer de transaction marchande pour l'obtenir. Ma discothèque, c'était devenu mes disques ET mon ordi. J'ai franchi sans trop de scrupules le pas de la dématérialisation de l'objet culturel. J'ai fini par faire ma révolution intime à ce sujet. Et je m'en étais accommodé, résolu que je suis à vivre dans le temps présent et non tourné vers le passé.


606 albums plus tard, en mai dernier, la flamme s'est éteinte. Pas ma flamme pour la musique. Ni même celle pour mes disques. Mais une nouvelle révolution a eu lieu cette année. Une révolution qui a ringardisé la notion même de discothèque personnelle.
Avec des sites comme l'indispensable Spotify, presque toute la musique est accessible tout le temps partout. Plus besoin de construire sa discothèque pendant vingt longues années. LA discothèque mondiale, universelle, est là, à portée de clic. Et A Tombouctou Sans Mariachis perd tout son sens depuis que j'ai changé mes habitudes d'écoute. 
Certes, vous me direz que tout n'est pas disponible dans les catalogues de ces plate-formes révolutionnaires, mais tout de même... J'ai passé mon été à réviser mes classiques, découvrir de nouveaux genres, farfouiller des recoins insoupçonnés de cette infinie base de données... Continuer à suivre sottement l'ordre alphabétique des cds qui encombrent mes étagères et des fichiers qui saturent mes disques durs, ce serait oublier tant de bons disques que je ne "possède" pas... A moins... à moins de reconsidérer la notion de "discothèque" et de décider que la discothèque A Tombouctou Sans Mariachis n'est plus tant un tas de disques ordralphabétisés qu'une sélection patiente et organisée de ce qui m'a animé musicalement  hier, m'anime aujourd'hui et m'animera demain.
Soyons lucides. Les discothèques, collections de disques que les plus de trente ans chérissent avec tendresse et nostalgie, c'est aujourd'hui une pure ringardise. Les vraies discothèques d'aujourd'hui ne sont même pas des fichiers numériques sur disques durs. Ni même des bases de données de sites d'écoute en streaming. La discothèque du 21ème siècle, c'est le cerveau de chacun d'entre nous. Une collection d'émotions que l'on peut retrouver à tous ces endroits là et qu'on peut partager tellement plus facilement qu'avant.
La vraie révolution numérique en matière de musique, elle est là. La musique, nous ne la possédons plus. Nous n'avons plus besoin de la posséder. Elle est partout, accessible instantanément et c'est elle qui finit par nous posséder. Une magie en remplace une autre.  Ni meilleure ni pire. Juste autre. Mais toujours au service de l'émotion.


A Tombouctou Sans Mariachis reprend du service donc. Ni démoralisé ni regonflé à bloc. Pas modifié dans la forme. Juste changé en profondeur.




à écouter sur spotify

18 commentaires:

Dr. Strangelove a dit…

Si je reste un indécrottable acheteur de disques et que je ne peux actuellement considérer ma discothèque numérique comme partie intégrante de ma discothèque, je suis ravi de votre retour !

KMS a dit…

Toute cette musique à disposition ça me fait ENCORE plus acheter de disques.
Mais je les achète principalement en vinyle (pour ne pas dire quasi exclusivement)(si pas de sortie vinyle, pas d'achat).
J'ai besoin de la pochette, j'ai besoin de l'objet, de le toucher, de le posséder.

hob a dit…

Je partage pleinement ton avis au sujet de ce disque.

coolbeans a dit…

Ah oui, crotte, le disque !
Excellent disque.

anakin a dit…

Welcome back !
Je fais le même constat que toi, même si rien ne remplacera ce moment où l'on libère du disque de son blister.

davnat a dit…

"A tombouctou sans mariachis" ne peut pas perdre tout son sens, puisque son sens est dans son existence-même. Il l'avait donc juste perdu l'espace de quelques mois et il le retrouve pour mon plus grand plaisir.

Jen a dit…

Je crois que tout le monde sera de mon avis si je dis : tu nous avais manqué !

Vincent Lamusiqueapapa a dit…

Oui, content de te savoir de retour par ici !

Erwan a dit…

Welcome back!
Impossible de me passer du support physique pour ma part. J'efface au fur et à mesure ce que j'ai téléchargé donc je ne les considère jamais comme acquis.

(sinon tu as vu, j'ai encore ouvert un nouveau blog ;-)

coolbeans a dit…

Un nouveau blog ? Quoi donc ? J'avais décroché depuis 3 mois, je ne suis pas au courant...

Erwan a dit…

http://50statesproject.posterous.com/

Tes propositions sont les bienvenues!

coolbeans a dit…

Oui, Erwan. J'avais enquêté et déjà ajouté ton nouveau blog aux liens de Tombouctou.
Je vois que tu te "coolbeanise" de plus en plus... Et je constate que tu ne m'as cette fois pas vanné sur le nouveau blog que j'ai créé cet été... (à moins que tu ne sois pas au courant) !

-Twist- a dit…

Content de ton retour!
Pour ma part, la musique ne peut pas se passer (sur le moyen terme) d'un cd ou d'un vinyle. C'est impossible. Pour la découverte, le mp3 va très bien, mais pour la durée, c'est impossible. Un disque, même formidable, en mp3, il sera toujours perdu avec 800 autres fichiers. Il y est mais on ne l'écoute pas parce qu'il est dans la masse.
Alors qu'un cd ou un vinyle, rien qu'une tranche peut me donner l'envie de réécouter un album.

Erwan a dit…

Les pochettes? J'ai vu (mais tu l'avais lancé il y a un moment puis laissé tomber non?)

coolbeans a dit…

Disons que j'ai repris en changeant mon fusil d'épaule.

Benoit a dit…

Au fil des mois, en lisant tes critiques, je me suis rendu compte qu'on possédait quasi les mêmes disques, rangés dans le même ordre, à tel point qu’il m'est arrivé, une fois ou deux, de deviner l’album dont tu allais parler le lendemain. Comme toi, J’ai accepté sans scrupule et progressivement le passage du cd au numérique, tout de même, en passant par différentes étapes mais avec à chaque fois la même excitation quant à mes nouvelles pratiques en matière de découvertes musicales.
D’abord, il y a eu l’époque où je passais une demi journée tous les 15 jours à aller chercher les cds à la médiathèque, à scruter les bacs un par un, à en attraper des crampes aux doigts, pour pouvoir ensuite les graver, avec une belle photocopie couleur de la pochette, me laissant presque l’illusion d’avoir sous la main un cd quasi neuf.
Et puis avec l’arrivée d’internet et du bas débit, il y a eu la période de l’échange, des listes, des albums envoyés par courrier, en mp3, (François, si tu me lis…) qui m’a permis de découvrir des trésors que je garde presque plus précieusement que les cds de Bjork et Massive Atttack achetés comme tout le monde à la FNAC à prix vert et que tu trouves aujourd’hui à 1,99€ sur Priceminister.
Ensuite, avec le haut débit, est arrivée la découverte de Soulseek. Plus besoin de faire des bornes pour aller chercher 3 Cds à la médiathèque (qu’on était d’ailleurs même pas sûr de trouver en rayon et qu’il fallait réserver pour pouvoir les récupérer un ou deux mois après). Là, à portée de clic, se trouvaient non seulement toutes les nouveautés pop, rock, electro mais aussi des tas de vieilleries qui allaient venir compléter magnifiquement celles que j’avais découvertes à travers mes fructueux échanges par courrier. Du coup, ma glorieuse collection de Cds accumulée durant des années, principalement sur la foi de quelques avis enthousiastes de magic! et des inrocks commençait à prendre un sérieux coup de vieux et, petit à petit, je me rendais compte que le mur de disques dont j’avais tant rêvé ne monterait peut-être jamais jusqu’au plafond, d’autant plus que les CDs promo en pochette cartonnée tout minces de la tranche, commençaient à venir concurrencer les autres, les vrais, les beaux, ceux en plastique et en digipack.
Et puis sont arrivés les sites de streaming, je ne parle pas de myspace et de son horrible son tout pourri (et encore ça s’est amélioré !), mais des sites tels que Deezer, Musicme, Grooveshark, Spotify ou feu-Jiwa qui permettent désormais d’écouter tout et tout de suite. Du coup, j’ai investi dans des bonnes enceintes pour pc et mon ordinateur et devenu, comme pour beaucoup de gens, la plus grosse discothèque du monde. Il est devenu ma chaine hi-fi, ma radio à moi, celle sur laquelle j’écoute de fabuleuses émissions quand je veux et quand je peux.
Je ne regrette rien du tout, je ne suis pas un nostalgique du vinyle, ni de quelqu’autre support musical que ce soit, et je suis très heureux de pouvoir désormais faire écouter n’importe quel morceau de musique à mes enfants ou à ceux qui lisent mes blogs en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

coolbeans a dit…

Le commentaire le plus long que j'ai jamais lu.
Le commentaire le plus raccord avec ma propre histoire que j'ai jamais lu.

Benoit a dit…

en tout cas j'en ai chié pour le poster, blogger doit pas être habitué à ce qu'on fasse aussi long.