mardi 2 mars 2010

589 à 595. EELS



589. Beautiful Freak
* * * * * 1/2
dreamworks - 1996
1er album sur 8
produit par E






590. Electro-Shock Blues
* * * * *
dreamworks - 1998
2ème album sur 8
produit par E






591. Daisies Of The Galaxy
* * * * 1/2
dreamworks - 2000
3ème album sur 8
produit par E






592. Souljacker
* * * *
dreamworks - 2001
4ème album sur 8
produit par E et John Parish






593. Blinking Lights & Other Revelations
* * * * 1/2
vagrant records - 2005
6ème album sur 8
produit par E






594. Hombre Lobo : 12 Songs Of Desire
* * * * 1/2
e works / vagrant records - 2009
7ème album sur 8
produit par E





595. End Times
* * * * *
e works / vagrant records - 2010
8ème album sur 8
produit par E







En 1996, lorsque Eels paraît, c'est un petit miracle. Un conte de fée, semble-t-il. Après deux albums enregistrés sous le pseudo minimaliste de E, Mark Everett fait partie des heureux élus signés sur le tout nouveau label Dreamworks monté, excusez du peu, par David Geffen, Steven Spielberg et Jeffrey Katzenberg. Il y a pire comme fées pour se pencher sur le berceau du nouveau venu Eels. La sortie de Beautiful Freak est un événement. L'album est très bon. Novocaïne For The Soul est  rapidement un tube. La pochette interpelle. Le groupe (un trio) est bon sur scène. Tout va bien. La musique de Eels est à l'époque une bouffée d'air frais, Beautiful Freak est un OVNI bienvenu. Une future méga-star de plus pour le médiatique-show pense-t-on.
Pourtant, à y regarder de plus près, rétrospectivement, la malédiction est déjà là, dès le berceau, comme dans tout bon conte de fée... La première phrase de Beautiful Freak, l'incipit de la carrière de Eels est : "Life is hard, and so am I." Et le reste de la carrière de Mark Everett semble n'avoir été pensé que pour démentir ces premières impressions. Eels ne sera jamais U2. Mark Everett ne fera jamais la une des journaux people. Sa trajectoire sera plutôt semblable à celle d'un Will Oldham (et pas seulement à cause des évolutions pileuses de chacun). L'homme se retranchera de plus en plus derrière sa musique, laissant celle-ci parler pour lui, exprimer tous les tourments que lui procure sa chienne de vie.
Deux ans après Beautiful Freak sort Electro-Shock Blues, plus sombre dans ses thèmes et musicalement que son prédécesseur. Il faut dire que la soeur de Mark Everett, schizophrène, vient de se suicider et que sa mère a un cancer du poumon incurable. Baby Genius est une chanson qui, elle, fait référence au père d'Everett, mathématicien renommé (théoricien de la physique quantique) et père absent et alcoolique... La tonalité du disque est telle qu'elle a du briser net l'élan de certains fans qui n'ont peut-être pas eu envie de s'identifier à un trentenaire désespéré. On comprit en tout cas dès ce deuxième album que la carrière de Eels ne serait pas une autoroute vers le succès, bien que le disque fut très bon.
En 2000, Daisies Of The Galaxies renoue avec l'esprit de Beautiful Freak. La mère de Mark Everett est finalement décédée en 1998 mais ce troisième album trouve le leader de Eels plutôt sur la voie de la reconstruction. Une retraite spirituelle suivra la sortie de ce disque, retraite pendant laquelle le chanteur doit s'abstenir de parler et d'écrire. C'est pourtant à cette époque qu'il commenca à écrire les chansons de son oeuvre suivante, Souljacker.
2001, Everett enregistre son quatrième album, donc. Et la mort frappe encore à la porte de sa famille. Sa cousine, hôtesse de l'air, décède dans l'avion qui frappe le Pentagone le matin du 11 Septembre. Une semaine avant la sortie d'un album au titre étrangement prémonitoire ("Le Détourneur d'âme")... Pour la première fois, Everett cède un peu les commandes du projet Eels. C'est John Parish qui vient co-écrire et co-produire le disque. Du coup, le son de Eels change. Il devient plus rêche, plus brut, moins policé et, paradoxalement, semble mieux exprimer les perturbations métaphysiques de son auteur alors qu'il est moins exclusivement responsable du résultat final. Le son définitif se met en place avec Souljacker : une alternance de morceaux bruts de décoffrage (Dog Faced Boy) et de rêveries plus apaisées (Fresh Feeling).
La suite de la discographie de Eels fut à l'avenant. De bons albums accueillis chaleureusement par les fans, un peu ignorés par la presse spécialisée et carrément inconnus du grand public. Mark Everett se fit plus discret sur sa vie privée et se laissa spectaculairement pousser la barbe, autant de stratégies d'auto-protection consciente ou inconsciente. On peut cependant suivre pas à pas la trajectoire d'Everett à travers ses albums ultérieurs : le double-album Blinking Lights... compile sept années de (jolies) chutes de studio autour de deux thèmes majeurs : Dieu et la Vie. Hombre Lobo traite du désir et de la façon dont il peut affecter nos existences. Enfin, le dernier en date (début 2010), End Times, aborde le problème du divorce et du vieillissement.
On le voit, Mark Everett n'en a pas fini de combattre ses démons. Sa musique semble d'ailleurs ne lui servir qu'à ça. Ces questionnements qui le hantent seraient certainement bien trop lourds à porter sans cet exutoire que représente son art. Les disques de Eels sont une sorte de psychothérapie publique qui fait malheureusement tout le sel de l'oeuvre de Mark Everett. Bien sûr, personne ne nous empêche d'écouter aussi Eels parce que c'est un putain de bon groupe et que chacun de ses albums abrite des chansons fabuleuses. 
Et qu'on aille pas me taxer de voyeurisme malsain à propos de ce post. Je me réserve encore le droit d'affirmer que je préfère m'intéresser à un artiste dont l'oeuvre est la vie ou la vie l'oeuvre qu'à un artiste qui n'est qu'un produit créé de toutes pièces par une multinationale du disque.
Mark Everett a une vie de merde. Comme nous. Ses disques nous concernent. On les aime aussi pour ça, ne nous voilons pas la face.

la discographie de Eels sur spotify et deezer

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le jeu du jour revient dès le prochain post....

10 commentaires:

KMS a dit…

Tu as très bien résumé la carrière de Eels. Perso je me suis arrêté à Blinking lights. Les concerts de cette tournée étaient assez décevants.

Il y a un live que j'aime beaucoup aussi, oh what a beautiful morning.

Les trois premiers sont plus que totalement indispensables.

davnat a dit…

Très joli post concernant un magnifique artiste.
Je ne souscris, en revanche, pas totalement à ta dernière ligne.
Pour ma part, je remercie Everett de pouvoir mettre en musique la vie que je n'aurai (peut-être) jamais.

Dr. Strangelove a dit…

Il faudrait, un jour ou l'autre, que je me repenche sur le premier album, qui ne m'a lamais accroché à l'époque. Pourtant, dès le deuxième album, eels est devenu l'un de mes 5 groupes majeurs, ceux que je réécoute régulièrement sans jamais m'en lasser. Et Electro-Shock Blues est définitivement l'un de mes albums de chevets, une pure merveille.

Dr. Strangelove a dit…

Et quid de Shootenanny ?

coolbeans a dit…

"Shootenanny", c'est le seul album que je n'ai pas. J'ai du l'écouter mais je ne me rappelle plus ce que j'en ai pensé. Un avis ?

Dr. Strangelove a dit…

Justement je souhaitais un avis, car je ne l'ai jamais écouté. Une brève écoute à sa sortie dans une Fnac ne m'avait pas emballé. Mais je ne fais guère confiance à ce souvenir.

coolbeans a dit…

Un petit tour sur spotify ou deezer et tu pourras te faire ton avis comme un grand...

yosemite. a dit…

Shootenanny est tout aussi bien, très noir, comme la pochette... et contient peut-être ma chanson préférée : Lonely Wolf, une merveille.
Vus 3 fois sur scène avec une bonne claque à chaque fois !
un groupe à part.

Dr. Strangelove a dit…

En pleine écoute de Shootenanny (tout à fait d'accord avec yosemite), je me suis dis : "allons jeter un oreille à Beautiful Freak". Et j'ai du mal à comprendre ce qui m'a fait passer à coté de cet album durant aussi longtemps. la vieillure me fait du bien...

Leroy Brown a dit…

Belle rétrospective...Perso j'ai pas été plus loin que l'album 3 mais je vais m'empresser de réparer ça ;-)